RECRUDESCENCE DES VIOLENCES SEXUELLES AU SÉNÉGAL | « SI LES AUTORITÉS NE PRENNENT PAS LES DEVANTS AVEC UN VRAI PROGRAMME… LE PIRE RISQUE D’ARRIVER D’ICI QUELQUES ANNÉES » DR IBRAHIMA GIROUX
Dans une récente intervention sur Radio Sénégal, Dr Ibrahima Giroux, enseignant chercheur en psychologie cognitive responsable de l’unité santé mentale à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, a dressé un tableau inquiétant de la recrudescence des viols suivis de grossesse ou de meurtre au Sénégal. Selon lui, ce phénomène résulte de multiples facteurs sociaux, économiques, et psychologiques, mettant en lumière des insuffisances dans l’éducation familiale et l’accompagnement des jeunes.
Dr Giroux déplore une dichotomie dans le Sénégal actuel, où certains parents se consacrent pleinement à l’éducation de leurs enfants, tandis que d’autres, accablés par des contraintes socio-économiques, semblent les abandonner. Il souligne que l’éducation des enfants ne repose pas uniquement sur la quantité de temps passé avec eux, mais sur la qualité des interactions et le soutien émotionnel apporté. L’isolement familial, exacerbée par la vie en appartement, empêche une compensation communautaire des carences éducatives.
Le spécialiste a également mis en exergue le manque criant de psychologues et de psychiatres au Sénégal, illustrant un système de santé mentale sous-équipé pour faire face aux besoins de la population. « Avec moins de 200 psychologues et seulement 35 psychiatres pour près de 20 millions d’habitants, le pays n’est pas bien loti en matière de santé mentale », a-t-il déclaré. Ce déficit, selon lui, expose davantage les enfants aux risques de violences et de négligences.
Pour lui « si les autorités ne prennent pas les devants avec un vrai programme notamment au niveau du ministère de la famille il y a aucun moyen d’avoir des prévisions optimistes. C’est-à-dire que le pire risque d’arriver d’ici quelques années. »
Dr Giroux plaide pour des investissements ciblés dans les familles, affirmant que le parent est le premier partenaire de l’État dans l’éducation des enfants. Il propose un programme national d’éducation à la parentalité, destiné à préparer les adolescents à leur futur rôle de parents. Selon lui, une véritable rupture consisterait à réengager les communautés dans les programmes éducatifs, en les impliquant dans l’élaboration des valeurs et des normes transmises aux jeunes.
Face aux viols suivis de meurtre, Dr Giroux alerte sur la présence de psychopathes au sein de la société, des individus apparemment normaux mais capables d’actes monstrueux. Il insiste sur la nécessité de ne pas limiter la santé mentale à une question médicale, mais de l’aborder de manière holistique, en intégrant des travailleurs sociaux et des éducateurs pour une prévention efficace.
Dr Giroux appelle les autorités à prendre des mesures urgentes et préventives. Il prévient que sans une intervention rapide et structurée, le pays risque de faire face à des conséquences encore plus graves dans les années à venir. Son discours est un cri d’alarme pour un investissement accru dans la santé mentale et l’éducation familiale, afin de protéger les générations futures et de prévenir la montée des violences sexuelles.