
CHEIKH KHOUREYSSI BA, UNE FIGURE MARQUANTE DU BARREAU

Par Hamath Kane
L’avocat Cheikh Khoureyssi Bâ a été une figure marquante du barreau de Dakar. Ses plaidoiries et ses procédures rigoureuses sont reconnues par nombre de ses pairs et anciens clients qui ont tenu à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux après l’annonce mercredi de son décès survenu à Istanbul, en Turquie.
Il a fait partie du pool des avocats PASTEF, alors dans l’opposition, et qui luttait contre des affaires juridico-politiques ayant donné lieu à de graves crises au Sénégal entre 2021 et 2024. Avec ses confrères Bamba Cissé et Ciré Clédor Ly, il faisait partie des ‘’avocats du peuple PASTEF’’, qualificatif donné par les militants du parti fondé par l’actuel Premier ministre, Ousmane Sonko, et le président de la République, Bassirou Diomaye Faye.
Un des militants de cette formation politique, Khalifa rappeur, avait même baptisé son fils, né en février 2024, du nom de Cheikh Khoureyssi Bâ.
Les habitués du palais de Justice de Dakar retiennent de lui son élocution séduisante et ses envolées juridiques dignes de l’homme de droit qu’il était. ‘’Il était un homme droit’’, disent-ils de lui en chœur.
Droit… dans ses bottes
L’avocat était, pour ainsi dire, un homme droit dans ses bottes, notamment quand il s’agissait de défendre les droits et les libertés. Bassirou Diomaye Faye, qui sera élu chef de l’Etat, à l’issue de la présidentielle du 24 mars 2024, et qu’il a défendu quand il a été emprisonné en avril 2023, a rendu hommage à un ‘’homme de principes’’, saluant une ‘’belle âme’’.
“Je rends hommage à son parcours remarquable et à son engagement constant pour la défense du droit et la promotion du débat public”, a réagi le président de Faye.
Après la prestation de serment du président Faye, Cheikh Khoureyssi Bâ écrivait, telle une délivrance : ‘’Dix-neuf jours entre la levée d’écrou en prison et la levée des couleurs au palais présidentiel. Qui dit mieux ? Les ‘’frères siamois’’ de la démocratie sénégalaise [Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko] l’ont fait. Et célébré dans la sobriété la fête de la souveraineté’’.
Cheikh Khoureyssi Ba a défendu les faibles comme on l’a vu partout dans les dossiers relatifs aux affaires judiciaires d’Ousmane Sonko. Il était un conseil et conseiller de président de PASTEF, mais, plus que cela, un ami.
Défenseur des veuves et des orphelins, comme on dit, l’avocat défendait indistinctement le militant ou l’activiste lambda. ‘’Chaque fois que j’ai vu maître Khoureyssi Ba, c’était soit en garde à vue, soit à la cave du tribunal de Dakar. J’ai vu maître Khoureyssi Ba autant de fois que j’ai été en garde à vue. Sa disparition est un choc pour moi. Nous venons de perdre un brillant avocat et un homme d’une vaste culture et profondément humain qui a toujours été auprès des faibles, des opprimés’’, a témoigné le député Guy Marius Sagna, sur les réseaux sociaux.
Révolutionnaire dans l’âme
Cheikh Khoureyssi Ba adorait la justice et abhorrait l’injustice. C’est la raison pour laquelle il a été aux côtés d’Ousmane Sonko et de ses camarades de parti dans leur combat contre le régime de Macky Sall. Et, même après l’arrivée au pouvoir du PASTEF, il a continué à défendre les militants de ce parti.
Si le spécialiste en droit privé, option judiciaire, diplômé de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, avait cette ‘’obsession’’ pour les opprimés, c’est que la fibre révolutionnaire ne l’a jamais quitté. Lisez ces références : ‘’11 mai… Oumar Blondin Diop notre fierté, Bob Marley notre joie. Il me suffit de revivre en pensée ce jour de 1973 et de 1981, d’y marcher deux pas, de prier pour ces âmes bénies pour me dire que demain, par la grâce de Dieu, sera fête’’, avait-il posté sur sa page Facebook en 2024. Cheikh Khoureïchi Ba était en quelque sorte un ‘’rasta’’, les dreadlocks en moins, dans ses opinions.
Sans doute son militantisme au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS) fondé par l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, réceptacle d’une jeunesse ‘’rebelle’’, a été une suite logique de sa carrière. Le ‘’pape du Sopi’’, surnom donné à l’emblématique opposant au régime socialiste, avait d’ailleurs fait appel à Cheikh Khoureyssi Ba pour lui confier la direction du journal du parti, Sopi.
Maitre de la parole et de l’écrit
L’homme faisait également montre d’une vaste culture générale. Son style exquis, enveloppé dans des métaphores parfois satiriques trahissait son goût immodéré pour la lecture, à chacun de ses textes publiés dans les journaux et sur les réseaux sociaux. Ce qui faisait de la robe noire un maitre de la parole et de l’écrit.
Le ‘’maitre’’, qui épluchait ses dossiers rues 15 et 17 de la Médina, boulevard Martin-Luther-King, adresse de son cabinet, à Dakar, vient de rejoindre à jamais son frère, Mentor Ba, artiste décédé en 2023, et sa mère, Anna Guèye. Des pertes qui, selon certains de ses confrères, l’avaient profondément affecté. ‘’DIEU EST DIEU. Ma mère n’est pas encore ensevelie que mon petit frère adoré MENTOR BA (ABG de la série Golden) nous quitte également’’, avait-il écrit, éploré.
Une pluie d’hommages a suivi l’annonce de son décès dans les réseaux sociaux.
C’est le cas par exemple du Premier ministre Ousmane Sonko qui a écrit sur sa page Facebook: “Ma peine et ma douleur sont profondes pour la perte de cet immense homme qui a été de tous nos combats”. Poursuivant, il note que “son engagement, son courage et son dévouement à défendre les droits fondamentaux de la personne humaine resteront à jamais gravés dans nos mémoires”.
“Éminent juriste et homme de culture, il a été un monument de toutes les luttes contre l’injustice et l’arbitraire. Il a été un Avocat digne qui a voué sa toge au service de la vérité”, a encore fait valoir le chef du gouvernement, avant de formuler cette prière à l’endroit du défunt avocat : “Seigneur, en ce mois béni de ramadan, enveloppe-le de Ta Miséricorde et accorde lui Ton pardon”.